Du 6 au 18 décembre 2016 – Teatro de la Zarzuela,Madrid
Don Quijote, ballet en 3 actes. Creation de la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne, chorégraphie Jose Carlos Martinez inspirée par les versions de Marius Petipa et Alexander Gorski, musique de Ludwig Minkus! Scénographe Raul Garcia Gerrero, costumes Carmen Granell. Orchestre de la Communauté de Madrid,direction musicale Manuel Coves. Distribution du 8 décembre 2016 avec dans les rôles principaux : Alina Cojocaru – Quiteria, Alessandro Riga – Basilio, Lucie Barthélémy – Dulcinea, Jesse Inglis – Don Quijote, Jesus Florio – Sancho Panza, Jose Antonio Beguiristain – père de Quiteria, Antonio de Rosa – Camacho
À la suite du succès phénoménal de la création du ballet Don Quijote par la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne en décembre 2015 qui s’est joué au Teatro de la Zarzuela à Madrid à guichet fermé et à la demande massive du public qui n’a pas pu le voir, Don Quijote revient sur la scène du même théâtre, avec des danseurs étoiles de renommée internationale invités pour cette brillante reprise qui couronne le 400e anniversaire de la mort de Cervantès. Après une longue tournée nationale en 2016 et la série de représentations à Madrid le ballet continuera sa tournée hors des frontières d’Espagne.
La reprise de cette nouvelle création de Don Quijote est reliée aux deux soirées exceptionnelles, les 21 et 22 décembre, d’hommage à Maya Plissetskaïa morte en 2015, naturalisée espagnole en 1993, qui entre 1987 et 1990 a dirigé la Compagnie Nationale de Danse. José Carlos Martinez a inclus au programme de ces soirées d’hommage quelques-uns des pas de deux et des scènes de ballets emblématiques de la carrière de la diva russe de la danse, ainsi que des pièces créées en son honneur comme In the night de Jérome Robbins, Hasta siempre de Sharon Fridman, Raymonda divertimento de José Carlos Martinez, Polvo eres de Juan Carlos Santamaria. Le ballet Don Quijote de Marius Petipa était, avec Le lac des cygnes, parmi les plus populaires en Russie ou il a été créé en 1869 avec la musique de Ludwig Minkus. Le livret est basé sur un épisode du IIe volume du Don Quijote (chapitre 21) qui raconte les noces de Camacho perturbées par les amours tumultueuses de Quiteria et de Basilio et l’arrivée tout aussi perturbatrice de Don Quijote et Sancho Panza. José Carlos Martinez, directeur depuis cinq ans de la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne, lui a impulsé un nouveau souffle apportant son expérience de danseur et de chorégraphe sur les scènes internationales. Danseur étoile à l’Opéra de Paris (Commandeur de l’Ordre des Arts et Lettres) il a travaillé avec la majorité des grands chorégraphes du XXe s. depuis Maurice Béjart à Pina Bausch en passant par Mats Ek et William Forsythe. Dans sa chorégraphie du Don Quijote Jose Carlos Martinez se base sur la chorégraphie originale de Marius Petipa et sur les diverses versions de Noureïev, Baryschnikov, Gorski, qu’il a dansé lui-même, en donnant un caractère plus poétique au personnage de Don Quijote et à sa recherche de l’amour parfait, incarné par Dulcinea. L’originalité et la beauté de sa chorégraphie consistent en ce qu’il imprègne sa version du classique russo-français de l’esprit et de l’essence de la tradition de la danse espagnole. Pour la série de représentations au Teatro de la Zarzuela, aux excellents danseurs de la Compagnie Nationale de Danse se sont joints plusieurs danseurs étoiles internationaux qui se relaient dans les rôles principaux. Ainsi Alina Cojocaru, étoile du English National Ballet, la Cubaine Yolanda Correa, première danseuse du Ballet Royal de Norvège, Yoel Carvaño qui comme Yolanda Correa est issu du Ballet National de Cuba dirigé toujours par la mythique Alicia Alonso, Cristina Casa, figure du Ballet Royal de Flandre, intégrée maintenant dans la Compagnie Nationale de Danse. Deux talentueuses danseuses la Coréenne Ya Gee Park et la Japonaise Haruhi Otani, qui ont rejoint également la Compagnie Nationale font partie des distributions.
Le spectacle commence par un prologue où Don Quijote entouré de livres rêve de Dulcinea. Quiteria, fille de l’aubergiste Lorenzo, et Basilio, le jeune barbier s’aiment mais le père de Quiteria veut la marier avec Camacho, un noble riche et vaniteux. Quiteria refuse ce mariage imposé. Alors que les noces se préparent et que les incidents se multiplient arrivent Don Quijote, accompagné de Sancho Panza, qui défendra la cause des jeunes amoureux Quiteria et Basilio. Les fameux moulins et des nombreux personnages pittoresques, matadors, gitans, voleurs, apparitions fantastiques, seront bien sûrs protagonistes de l’histoire.José Carlos Martinez a construit sa dramaturgie scénique sur le mode de la mise en abyme de l’épisode traité, dans le rêve de Don Quijote d’une femme idéale et de sa transformation en chevalier errant luttant contre les méchants, l’injustice, de sorte qu’on rentre progressivement dans l’histoire représentée. Sur le rideau de scène, avec en haut les dates 1605, 1615 correspondant aux publications des deux volumes de Don Quijote, sont peints des éléments emblématiques, accessoires des tribulations de Don Quijote : livres, moulins, armure, casque, épée, plat à barbe, crâne. Dans le prologue, à travers le rideau qui, éclairé par derrière, devient transparent, on voit Don Quijote assis à sa table lisant des livres de chevalerie. Tandis que Sancho lui apporte son armure, sa lance et son casque Don Quijote contemple l’apparition de Dulcinea tout en blanc, descendant des cintres. D’emblée la poésie, l’humour, la parodie imprègnent la chorégraphie de José Carlos Martinez et la scénographie de Raul Garcia Guerrero.
Un décor efficace, simple, avec peu d’éléments scéniques : esquisse d’une cour d’auberge avec tables, chaises, murs latéraux évoquant des étages, le moulin mobile, la charrette des gitans. Les toiles peintes : une place de village devant l’auberge, paysages de la Mancha, le ciel étoilé.
Des beaux costumes très colorés : robes longues à volants, tutus très étendus, pantalon court avec ceinture très large pour les paysans, habit de lumière pour les matadors, apportant une touche féerique et pittoresque, sont traités avec beaucoup d’humour et un esprit caricatural. Ainsi par exemple Don Quijote en culotte bouffante, cheveux ébouriffés, Camacho, costume de noble avec moult rubans, cheveux en houppette, Sancho Panza, gros ventre, tenue de paysan. Dans ce cadre magique apparaîtront des figures fantastiques, le moulin va s’animer.
Dans la scène très comique où Don Quijote prend le moulin pour un géant, les ailes du moulin au fond du plateau vide se mettent à tourner, le moulin se déplace, fait le tour du plateau pendant que Don Quijote l’attaque avec sa lance. L’humour et le comique marquent plusieurs scènes qui contrastent avec l’ambiance de rêves, les sentiments sublimés d’amour, de justice de Don Quijote dans d’autres scènes. Dans sa dramaturgie chorégraphique José Carlos Martinez crée des magnifiques images en mouvement, combinant des solos, des pas de deux et des scènes de groupe. Une chorégraphie de grande qualité théâtrale intrinsèque qui confère une profondeur à l’interprétation des personnages. Alina Cojocaru (Quiteria) et Alessandro Riga (Basilio) sont incomparables, sensuels et espiègles dans leurs pas de deux du jeu amoureux, de séduction, de passion et impressionnants dans leurs pas de deux jubilatoires dans le final, multipliant les portés aériens et des figures quasi acrobatiques. L’âme de la danse espagnole avec sa dynamique rythmique, ses vibrations, s’exprime autant dans la gestuelle que dans les mouvements dans les danses de groupes comme : la danse des matadors, la jota des villageois, etc. Certaines séquences, entre autres celles avec Don Quichotte et Sancho ou l’aubergiste, sont traitées davantage sur le mode de la pantomime, plus narrative, qui intensifie la dimension dramatique de la trame chorégraphie. Le happy end final : Basilio, grâce à sa ruse de se faire passer pour mourant, épouse Quiteria, se conclut par un feu d’artifices chorégraphique, une série de numéros de haute voltige que le public ne cesse d’ovationner.