Ode à Saint -Pétersbourg

« Saint-Pétersbourg, la magie blanche » le numéro exceptionnel : conférence-débat avec le Figaro Hors-Série, le Cercle Pouchkine et l’association Miracles au Centre spirituel et culturel orthodoxe Quai de Branly (vidéo-reportage du Figaro)

Trois siècles se sont écoulés depuis que Pierre Le Grand a créé sa nouvelle capitale sur le modèle européen, dans le pays des marais finlandais sur le bord de l’Empire russe – Saint-Pétersbourg,- l’une des plus belles villes du monde.

« Je ne connais pas de ville plus belle, mélange le plus harmonieux de la pierre, du métal et de l’eau. En proportions parfaites se déroulent les bâtiments, comme les sujets d’une symphonie de Mozart. On pourrait la prendre pour un rêve de Pouchkine ou Baudelaire, elle fait penser parfois …aux tableaux de Chirico », écrit André Gide. Depuis le jour de sa fondation, à la frontière du monde et de la lumière, Saint-Pétersbourg est  la ville mirage, étrangère à sa patrie, ville européenne de la Russie.

La nature dualiste de Saint-Pétersbourg est paradoxale.  D’une coté, cette « ville-narcisse » devenue pierre “est étrangère à sa patrie” écrit Nikolaï Gogol, d’un autre côté, et paradoxalement, c’est “la ville la plus russe de toutes les villes russes”, écrit Joseph Brodsky.

Cette idée de créer la capitale de l’empire dans les marais du delta de la Neva, contrée inconnue et ouverte, était considérée par les contemporains de Pierre Ier comme une utopie excentrique. ”Le monde russe chaleureux, attaché à la tradition jusqu’à refuser tous les éléments étrangers, intériorisé jusqu’à à la claustrophobie, tremblait et frissonnait dans le vent froid et pénétrant de la Baltique. » (J. Brodsky)

La ville fantôme, la ville irréelle, Saint-Pétersbourg symbolise en même temps une réalité absolue, belle et cruelle à la fois. Il suffit de penser à son histoire dramatique depuis sa création, les révolutions et les guerres, le Siege de Leningrad avec un million de morts, que reflètent son nom : Saint-Pétersbourg, Petrograd, Leningrad et de nouveau Saint-Pétersbourg.

Le destin de cette ville incarne toute la singularité de la culture russe qui se caractérise par la bipolarité entre l’Europe et l’Asie, entre l’Est et l’Ouest, entre l’Ancien et le Nouveau, entre la mère Moscou et l’étranger Saint-Pétersbourg. Pétersbourg est une ville européenne moderne, civilisée, bien organisée, logiquement et harmonieusement construite, juxtaposée à Moscou comme un village patriarcal, semi-asiatique et chaotique. Moscou, comme un « mujik » russe avec une longue barbe, tandis que Pétersbourg est comme un français coiffé d’une perruque.; comme s’il existait un plan secret.

Ce n’est pas par hasard que la grande littérature russe est née à Saint-Pétersbourg !  Elle a élaboré toute cette dichotomie spécifique à la culture russe,  qui intègre la souffrance et le sacrifice au nom du bien et de la gloire future, cette confrontation éternelle de l’homme et la nature, du pouvoir et du peuple, de l’individu et l’Etat, de l’ambivalence du bien et du mal, tout ce qui est devenu le grand sujet de la grande littérature russe dans les œuvres de Pouchkine, Gogol, Dostoïevski, Block, Akhmatova…

Selon Dostoïevski, « le vrai malheur de vivre à Saint-Pétersbourg, c’est une ville de demi-fous. » « A Saint-Pétersbourg, vous ne pouvez pas vivre, mais je ne serais pas capable de vivre dans une autre ville de la Russie » écrit Alexander Herzen. » Mais c’est seulement à Pétersbourg que l’homme peut se révéler… » (V.Belinsky)

La Russie, pays à l’âme féminine, cherche toujours et ne trouve pas la paix, écrivait le philosophe russe Nikolaï Berdiaew. Mais Saint-Pétersbourg, cest une création unique de la synthèse fructueuse de deux génies, masculin et féminin, – l’incarnation de la volonté de puissance, mais aussi le triomphe de la raison. Le génie de Pierre et de Catherine ouvrent les horizons européens pour toute la Russie.

A Saint-Pétersbourg, on est fasciné par la rencontre des éléments russes et des éléments ouest-européens. Le meilleur exemple en est l’inconnue Sophie Frederike Zerbst Anhalt, petite princesse allemande qui devint la puissante impératrice russe Catherine La Grande.

Ville occidentale à l’âme russe, Saint-Pétersbourg est un phénomène analogue à Catherine, la représentante  la plus connue et la plus accomplie de la synthèse de trois cultures – allemande, française et russe. Elle absorba toute l’âme du peuple russe et lui donna un modèle d’impératrice, bien qu’elle n’ait pas eu en elle la moindre goutte de sang russe.

La région protestante où Catherine a passé son enfance, avait de fortes racines dans la culture française, aussi dans le nord de l’Allemagne et en Prusse à la fin du 17ème siècle, de nombreux huguenots français ont trouvé refuge contre la persécution. Catherine grandit dans l’atmosphère de la langue française, langue du progrès intellectuel du dix-huitième siècle qui devint sa langue maternelle. En tant qu’impératrice de Russie, elle a écrit ses journaux intimes et ses célèbres mémoires en français, ainsi que sa correspondance avec Voltaire, Diderot et d’Alembert.

En grande conciliatrice entre l’Est et l’Ouest, Catherine II a donné à son siècle une énorme impulsion. Un génie de la volonté, la prudence, la patience, ainsi que le pouvoir de prise de décision de monarque absolu avec une âme de républicaine. Elle représente un beau modèle féminin de gouvernement avec une nouvelle éthique de travail, de nouvelles formes et normes de conduite, avec une politique de tolérance religieuse, de réformes, même dans le domaine  militaire. Elle promut des voyages éducatifs des aristocrates russes à l’Ouest, qui étaient déjà soutenus par Pierre le Grand. Elle a trouvé des solutions à la question religieuse des minorités islamiques. Elle a fondé l’Ermitage qui est devenu un des plus grands et important musée du monde. Elle amena de nombreux architectes d’Italie et de France, des scientifiques d’Allemagne en Russie…

La création classique de Saint-Pétersbourg de Catherine II où elle a préféré des lignes simples et austères a fortement influencé la ville avec son goût et sa volonté. Au temps de Catherine, Saint-Pétersbourg a complété sa splendeur austère et uniforme et a adopté son aspect moderne grâce aux ensembles classiques de Rossi, Quarenghi, de la Motte, Montferrand et Rinaldi. La conception architecturale de Saint-Pétersbourg s’est développée au cours de la construction de grands projets urbains, dont le but était la formation du rationnel et fonctionnel.

Dès 1762 était établie une commission pour la construction en pierre de Saint-Pétersbourg et Moscou, puis ont été préparés les plans de développement non seulement des anciennes villes russes, mais aussi des villes sur les territoires nouvellement acquis tels qu’Yekaterinoslavl, Marioupol, Sébastopol, Odessa et d’autres.  

AU XVIIIe siècle, le gouvernement féminin en Russie a accompli un travail gigantesque pour préparer cette renaissance du siècle prochain, renaissance qui est entrée dans l’histoire culturelle européenne comme l’apogée de la culture russe.

La tache civilisatrice de Saint-Pétersbourg se poursuit à ce jour Saint-Pétersbourg est un laboratoire de l’avenir, où le nouveau se crée et se développe, où la Russie ouvre son chemin vers l’Europe, ou un nouveau genre humain s’élève par la ville même.  Cette ville est une connexion vivante, une veine russe qui relie la Russie à l’Europe et à la tradition européenne.

Note. Gala Naoumova, écrivain, présidente de l’association MIRACLES (Mouvement International pour la Rencontre des Artistes, Créateurs, Littéraires, Économistes et Scientifique, ww.4miracles.org)