Le mythe de Don Juan synthétisé

Création mondiale le 28 juillet 2017 au Festival International d’Été de San Lorenzo de El Escorial  (Festival de Verano, 21 juin -5 août 2017)

Tenorio, opéra de chambre de Tomas Marco

Chœur et groupe Modus Novus, Le Madrigal – petit chœur, un quartet de madrigalistes, orchestre de chambre avec 10 instrumentistes. Direction d’orchestre Santiago Serrate

        Tenorio, opéra de Tomas Marco, composé en 2008/2009, commande du Xe Estiu Musical del Burgales, voit enfin sa création mondiale, retardée de 8 ans faute de la crise. L’œuvre emprunte son titre à la pièce emblématique de José Zorilla Don Juan Tenorio jouée et rejouée chaque année dans toute l’Espagne.Mais Tomas Marco synthétise dans son Tenorio diverses visions du mythe de Don Juan en fusionnant dans le livret des textes de Zorilla, Tirso de Molina, Molière, Lorenzo da Ponte, Lord Byron et Sor Juana de la Cruz, et crée ainsi à partir de ces antécédents littéraires une figure du Don Juan moderne du XXIe s., un homme libre, seul responsable de ses actes.En recourant à ces divers textes Tomas Marco met en perspective de l’histoire littéraire universelle sa vision et sa réflexion sur le mythe de Don Juan.Comme à son habitude le compositeur, sans renier les paramètres de l’opéra, réinvente sa forme en proposant des usages nouveaux, peu habituels de ses composantes vocales et instrumentales et en conférant à la musique une théâtralité par excellence.Un événement musical et théâtral très attendu. Tenorio entame au Festival International d’Été de San Lorenzo de El Escorial sans nul doute une carrière de longue haleine.L’opéra a été créé en version concert sans danseur ou mime prévu dans la mise en scène. Sur le plateau dépouillé, référence à l’intemporalité du mythe, juste l’orchestre, les solistes et le chœur qui prête sa voix au Commandeur. Les solistes interprètent les personnages principaux : Carmen Gurriaran, soprano, Lucia, Doña Ana et Doña Inès, Juan Antonio Sanabria ténor, le Narrateur et Don Luis Mejía, Alfredo Garcia baryton Don Juan Tenorio. La figure du Narrateur commente l’action et la représentation créant ainsi une distance par rapport à elle. Le cœur est un protagoniste important de l’opéra s’intégrant à plusieurs reprises dans l’action.De même Tomas Marco confère plusieurs fonctions à l’orchestre. Il soutient l’action et en même temps l’amplifie dramaturgiquement en devenant à certains moments un personnage dramatique ou une sorte de chœur instrumental qui commente.

        Le langage musical à la fois narratif, dramatique, évocateur, riche de couleurs, caractérise les personnages, esquisse des situations, crée des ambiances, des images. La partition instrumentale et vocale, très accessibles aux spectateurs non-initiés particulièrement, est un tissage subtil d’évocations et d’images sonores, de différents tempos et rythmes, des lignes mélodiques, des tensions dramatiques et des moments d’un grand lyrisme. Les solistes et les choristes, en absolue adéquation avec les exigences et le caractère de l’écriture de Tomas Marco, dans un jeu très fin d’implication et de distance confèrent à ces figures mythiques une profondeur émotionnelle.La musique vocale et instrumentale constitue un continuum d’une extraordinaire fluidité de sorte qu’il n’y a pas de vides dans la représentation. Tomas Marco ébloui dans Tenorio par son art de dramaturge et de peintre de la musique. C’est indiscutablement une œuvre exceptionnelle qui s’inscrira dans les plus belles pages de la musique contemporaine.