Entretien avec Natalia Alvarez Simo, directrice du Centre de la Danse Canal
Succédant à Albert Boadella qui a dirigé les Teatros del Canal de Madrid pendant huit ans, les nouveaux directeurs Alex Rigola pour le théâtre et Natalia Alvarez Simo, directrice du Centre de la Danse Canal, nommés en 2016, lancent de nouveaux défis pour transformer ce grand complexe artistique de la Communauté de Madrid en Centre des Arts Scéniques Contemporains. Natalia Alvares Simo, qui jusqu’à sa nomination à la direction du Centre de la Danse Canal, était chargée des Arts Scéniques au Musée Reina Sofia, a présenté le 8 septembre dernier les nouveaux objectifs pour le CDC qui a ouvert ses portes en 2009 en tant qu’espace dédié à la création et à la diffusion de la danse et des arts du mouvement. Huit ans après le CDC, intégré dans le complexe des Teatros del Canal et installé dans un édifice de cinq étages avec neuf salles de répétition, dispose pour la première fois de son propre budget qui, bien qu’il soit modeste, constitue une base plus solide pour développer ses objectifs et renforcer sa programmation.
Irène Sadowska. – Avec huit ans d’existence le Centre de la Danse Canal a consolidé son identité de centre de création, d’investigation et de présentation. La saison 2017 / 2018 inaugure ses nouveaux défis. En quoi consistent-ils ?
Natalia Alvarez Simo. – Avec l’infrastructure dont nous disposons maintenant : neuf grands, lumineux studios de travail avec un équipement moderne, le Centre peut faire un pas en avant, affronter de nouveaux objectifs et amplifier ses activités. C’est-à-dire potentialiser d’une part sa vocation d’investigation et de création et d’autre part développer la diffusion et créer de nouveaux publics pour la danse mais aussi s’affirmer comme un espace pédagogique en matière de danse et d’initiation à la vie professionnelle. Ce sont les principaux axes sur lesquels vont s’articuler toutes les activités du Centre.
I. S. – À travers quelles formes et avec quels moyens allez-vous soutenir la création ?
N. A. S. – Les conditions du concours pour les résidences des artistes ont changé par rapport aux années précédentes. La sélection est faite par un jury national et international. Les compagnies en résidence ont à leur disposition non seulement un espace pour travailler mais aussi des activités conçues pour répondre à leurs besoins. Nous les avons mises en place cette année en collaboration avec plusieurs institutions comme INAEM, ARTEA, l’Université Complutense de Madrid, Arte 2 de Mayo etc. Ainsi par exemple des informations sur les aides en vigueur, comment les solliciter, quels sont leurs objectifs. Il y a également des ateliers et des rencontres sur la prévention des lésions, la fiscalité des compagnies. L’objectif est d’accompagner les artistes avec tous ces moyens pour les préparer à la vie professionnelle. Quant aux moyens de soutien aux résidences des artistes, elles s’achèvent avec la présentation de leur travail. Par exemple, les processus de création qu’ils ont mené en 2017 dans le Centre sont présentés maintenant dans le cycle « Canal ouvert ». L’objectif est de donner plus de visibilité à ces artistes en montrant au public, à la presse et aux professionnels ce qu’ils font. Nous leur payons un cachet pour qu’ils puissent représenter leurs créations. Cette année les appels à concours seront publiés en octobre, novembre. L’année prochaine les résidences vont bénéficier d’un soutien financier. Plusieurs créations d’artistes résidents sont également coproduites par le Centre.
I. S. – Quels sont les critères de sélection des artistes pour les résidences ? Quel type de résidences propose le CDC ?
N. A. S. – Les critères de sélection sont : la qualité du projet, son innovation, les potentialités de la compagnie pour le mener à bien et les possibilités de sa projection internationale. Les artistes sont sélectionnés par un jury qui va changer chaque année. Cette année nous avons 35 compagnies résidentes dont neuf résidences qui durent une année et d’autres « intermittentes », ouvertes toute l’année de sorte qu’on peut les solliciter à n’importe quel moment. Ces résidences s’adressent à des compagnies qui veulent représenter leurs créations et ont besoin de deux ou trois jours pour les répéter ou aux compagnies qui ont besoin d’un lieu pour faire des auditions. Nous répondons à ces nécessités avec des résidences de courte durée. La période maximale est de deux semaines pour un travail très concret. Depuis le début de 2017 jusqu’à présent 30 compagnies ont bénéficié de ce type de résidence. Dans les résidences de création en contrepartie le chorégraphe doit ouvrir le processus de création au public. Chaque compagnie résidente décide également de la manière dont elle va contribuer à la construction et au développement de notre public.
I. S. – Comment le public est-il intégré dans la création et les activités du Centre ?
N. A. S. – Outre les processus de création ouverts au public nous avons mis en œuvre divers ateliers et activités en relation avec les thématiques de la programmation, pour des publics différents. Par exemple les ateliers et les activités pour les familles, pour les bébés, les ateliers intergénérationnels, d’autres pour des personnes handicapées, etc. Nous essayons d’atteindre tous les publics. Nous travaillons également avec des collèges, lycées, centres pour les mineurs, diverses collectivités comme l’association pour le Parkinson. Il y a un éventail très large d’activités qui donnent accès autant aux processus de créations ouverts qu’aux ateliers et aux débats sur la programmation qui initient les spectateurs à diverses formes de danse actuelles.
I. S. – Dans la sélection des compagnies privilégie-t-on certaines tendances ou langages chorégraphiques actuel ?
N. A. S. – Non, nous souhaitons diversifier les formes et les expressions chorégraphiques. Dans le cycle « Canal ouvert » nous avons entre autres du flamenco le plus contemporain, diverses formes de mélange de la danse avec les autres arts ou technologies.
I. S. – En quoi consiste l’investigation sur la danse et la formation des jeunes chorégraphes ?
N. A. S. – Plusieurs artistes reconnus programmés dans notre théâtre dirigent des ateliers pour les résidents. Nous invitons également certains maîtres de l’extérieur pour des ateliers et donner des cours. Nous avons par exemple des rencontres et des cours sur la récupération de la danse contemporaine espagnole, pour mettre en valeur le patrimoine. La fondation Victor Ullate associée aux Teatros del Canal s’implique à travers son école dans le travail du CDC. Cette année par exemple, l’école Victor Ullate a mis à notre disposition deux professeurs pour donner des cours à nos résidents.
I. S. –Pouvez-vous commenter la projection de la création du Centre sur le plan national et international ? Y a-t-il des collaborations, des coproductions avec d’autres Centres chorégraphiques ou des estivals de danse ?
N. A. S. – Pour ce qui est des institutions nationales, en matière de résidences de création et de présentations des spectacles nous travaillons de façon très régulière avec le Mercat dels Flors de Barcelone et pour ce qui est des présentations des spectacles avec le Teatro Central de Séville et avec le festival Temporada Alta de Girona. Sur le plan international nous avons des collaborations avec le Théâtre Municipal de Porto au Portugal et le Centre National de la Danse en France.
I. S. – Y a-t-il un suivi des compagnies qui ont travaillé au Centre ?
N. A. S. – Bien entendu. Nous sommes attentifs à ce qu’elles font pour voir lesquels de leurs travaux pourrions-nous coproduire.
I. S. – Dans le cycle « Canal ouvert » qui ouvre la saison 2017/ 2018 du CDC, les chorégraphes qui ont effectué des résidences présentent leur dernière création. Ce cycle est-il une sorte de vitrine du CDC ?
N. A. S. – Ce cycle de quasi deux mois de durée sera annuel. Cette année il y a 9 compagnies. Chacune d’elles donne deux ou trois représentations de sa dernière création dans la salle Noire, modulable, des Teatros del Canal. Ce cycle offre non seulement une visibilité aux compagnies mais aussi un panorama des différents styles et langages chorégraphiques que les artistes ont développés dans leur travail. La majorité de leurs créations est engagée dans les problématiques de la société actuelle.