Carmen de Georges Bizet et Le boléro de Maurice Ravel

un programme double du Ballet de Milan (BALLETTO DI MILANO) au Teatro Nuevo Apolo à Madrid du 10 au 15 mai 2016 et en tournée ;

mise en scène Carlo Pesto, chorégraphies – Carmen : Agnese Omodei et Federico Veratti, Le boléro : Adriana Mortelliti

Le double programme Carmen et Le boléro, créations plus récentes du Ballet de Milan, un des meilleurs actuellement dans le monde, dirigé par Carlo Pesta, donne un aperçu de son registre chorégraphique qui va des techniques classiques réinterprétées à la création contemporaine.La relecture et les nouvelles approches des ballets classiques d’une part et la création d’un nouveau répertoire chorégraphique sont les défis de Carlo Pesta formé au Ballet de la Scala de Milan et à l’Académie de la Danse du Bolchoï à Moscou.Carmen de Bizet, plus classique dans son traitement chorégraphique, aborde le thème de l’indomptable gitane du point de vue contemporain : c’est une femme libre qui suit son désir et affronte son destin. Le boléro propose une approche de la musique de Ravel et son interprétation chorégraphique inédite, totalement différente du modèle béjartien.Les deux ballets, conçus avec une grande économie d’effets scénographiques, focalisent le regard des spectateurs sur les mouvements et les expressions, d’une grande théâtralité, exaltant les corps des danseurs.

Carmen ou la rencontre avec le destin

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         En suivant la trame de l’opéra de Bizet le ballet s’articule sur le thème du rendez-vous de Carmen avec son destin, son face à face avec l’amour, la passion brûlante et la mort. Dans la partition musicale sont insérés quelques emprunts à d’autres œuvres de Bizet entre autres à L’arlésienne. Autour de cette Carmen (Alessia Campidori) contemporaine, à l’esprit libre, Don Jose (Alessandro Orlando), le torrero Escamillo (Simone Maier), Micaela (Marta Orsi) et des danseurs qui font les jeunes femmes ouvrières de la fabrique de tabac, les soldats, les habitués de la taverne, etc.… Mais son principal protagoniste est le personnage du Destin dansé par un homme en robe tunique rouge au début, ensuite blanche et noire à la fin. Les danseuses sont en short et maillot noir avec des boutons rouges et plus tard en robes blanches, grands châles de gitane sur les épaules et les hanches. Carmen en short noir, corset blanc puis rouge. Don Jose, veste pantalon en cuir noir, Escamillo pantalon ajusté, veste courte stylisés sur l’habit des toreros et les soldats vestes en cuir manche gauche coupé. Sur scène une petite estrade à droite. Au début du spectacle il n’y a que quatre chaises, dans la scène de la taverne on apporte une table. À certains moments au fond de la scène sont projetées des images non réalistes. La dramaturgie chorégraphique est structurée en quatre scènes : le Destin fait se croiser les chemins de Carmen et de Don José ; la taverne où Carmen est courtisée par Escamillo ; le Destin révélé à Carmen sa mort. Don Jose jaloux jure de se venger ; et la scène finale, la mort de Carmen poignardée par Don Jose. Dans l’arrangement musical de la partition bizetienne certains motifs reviennent à plusieurs reprises, traversent le spectacle : le thème du destin, de la mort, la habanera…Le langage chorégraphique est empreint d’éléments très modernes. Ainsi dans de nombreux mouvements de groupe stylisés sur les danses populaires espagnoles, comme par exemple la danse des soldats, les pointes classiques se combinent avec des figures plus contemporaines. Une chorégraphie théâtralisée d’une grande plasticité, crée des images, dramatise la gestuelle, traduit parfois le sentiment, l’émotion ou le désir par un geste à peine esquissé, la main qui effleure le corps de l’autre. Dans les séquences de séduction la femme prend autant d’initiative que l’homme. Les duos sont magnifiques, on retient aussi les enchaînements très fluides et les beaux effets de surgissement des solistes du groupe. La scène finale est belle et saisissante : au fond du plateau le Destin emporte Carmen morte alors que face à nous Don Jose, les mains liées, accompagné d’un soldat, va affronter son destin.

Le boléro de Ravel (Entre la naissance et la mort la palpitation frénétique de la vie)

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       La majorité des versions chorégraphiques du Boléro développent le thème du jeu de séduction. Celle du Ballet de Milan va au-delà de cette approche en articulant la partition chorégraphique sur la dualité originelle de la musique (le rythme et la mélodie), métaphore de la vie humaine depuis ses premiers instants, avec ses palpitations frénétiques, passionnelles, traversée par les multiples rencontres, la vie qui comme la musique s’éteint dans la solitude. Pas de décor, la scène est nue. Les costumes très simples : les femmes en body noir avec des franges sur le côté, les hommes short noir bordé de franges. Le sol blanc contrastant avec le noir de la cage de scène incarne aussi la dualité. Le spectacle commence par un bref prologue dans la demi-obscurité : le bruit d’eau évoquant l’origine, les bruits de gouttes d’eau qui tombent se mêlent, comme des battements de cœur, à la pulsation rythmique musicale.Deux corps au sol bougent, s’agitent et peu à peu se redressent. Au rythme répétitif, obsédant, de la musique de plus en plus forte, les duos se multiplient, se croisent se perdent dans l’ensemble des danseurs, dans des images évocatrices, très plastiques. Dans la séquence finale, le couple du début, séparé par d’autres danseurs (image de la solitude) se rejoint, l’un dans les bras de l’autre, inséparables.