La maison de Bernarda Alba dévastée

Du 14 décembre 2017 au 7 janvier 2018 au Teatros del Canal, Madrid

Esto no es la casa de Bernarda Alba (basé sur La casa de Bernarda Alba de Federico Garcia Lorca)

version libre de José Manuel Mora, mise en scène  et chorégraphie Carlota Ferrer

Coproduction Draft Inn et Teatros del Canal, Madrid 

              Depuis le début de 2017 l’œuvre de Federico Garcia Lorca, sur laquelle les ayants droits exerçaient un contrôle très strict, est tombée dans le domaine public. Ce qui explique une vague de diverses versions adaptations, etc. de ses pièces qui déferle cette saison sur les scènes.  On se trouve face à une compétition : qui va oser plus ? Qui va proposer une lecture inédite, étonnante, voir provocante ? La chorégraphe et metteur en scène Carlota Ferrer et le jeune auteur de théâtre José Manuel Mora, tous les deux récompensés par d’importants Prix, forment depuis quelques années un tandem devenu à la mode.  Leur nouveau défi est une version pluridisciplinaire (forme qu’ils pratiquent habituellement) de La casa de Bernarda Alba de Lorca qui dans ce cas, très prudemment, s’intitule Esto no es la casa de Bernarda Alba (Ceci n’est pas la casa de Bernarda Alba) en référence au tableau de Magritte « Ceci n’est pas une pipe ».


         Qu’est ce qui résulte de cet aventureux projet ? Une caricature, une collection d’inepties. En extrapolant le cadre originaire de la pièce et la projetant dans le présent, Carlota Ferrer situe la trame dans un musée. Un groupe d’artistes hommes qui préparent leurs installations vont jouer dans l’espace du musée la pièce de Lorca. Pourquoi pas ? Mais au fur et à mesure que les pourquoi pas indulgents s’accumulent, on se demande pour quoi dire ? À quoi servent tous ces artifices, quel est leur sens ?
L’idée de faire jouer les personnages des femmes, excepté celui de Amelia qui fait aussi la violoniste, par des hommes, n’apporte rien à la lecture de la pièce, au contraire la prive de sa force métaphorique.
Le prologue devant le rideau de scène qui n’a rien à voir avec la pièce, une chorégraphie qui tient de la gymnastique et de numéros de cirque avec un personnage clownesque qui mime un texte de Lorca sur le théâtre dit en voix off, est totalement ridicule.  Par contre les mouvements chorégraphiés des acteurs dans certaines scènes sont assez beaux et créent une atmosphère onirique.


        On peut citer ainsi de nombreux autres effets et curiosités dont on ne comprend ni le sens ni l’intérêt.
Par exemple la mendiante de la pièce devient ici une réfugiée et sur une image projetée on voit l’inscription « Welcome refugies». C’est très politiquement correct. Bravo la bien-pensance !  Quelle signification a le corps, tel un sac vidé de chair, de Adela pendue ?  Comme si tout cela ne suffisait pas le spectacle se termine par un discours dit au micro par Adela, un manifeste féministe simpliste, naïf, indigne de la pièce de Lorca. Peu d’auteurs et peu d’œuvres sont autant emblématiques du féminisme que Lorca et son théâtre.

Crédit photo : Antonio Castro